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Mort et travail de pensée

François Pommier, Régine Scelles

Publié le 12 octobre 2016 Mis à jour le 12 octobre 2016

Édition Erès

«Le deuil est donc affaire entre vivants : ce sont les vivants qui s'affairent, et transforment l'instant en pièce montée ; quant au mort, il est, comme on sait, retiré de toutes les affaires.»
V. Jankélévitch, La mort, p. 226.

L'idée, la réalité de la mort ne peut se concevoir sans une réflexion sur le travail de deuil inévitablement engagé dans les dispositifs mis en place pour soutenir et accompagner les vivants. Les expressions courantes telles que «être en deuil», «décréter une journée de deuil», «faire le deuil de», «le travail de deuil»... ont de multiples significations sur les plans individuel, familial, sociétal et culturel. Chaque culture, de manière évolutive au fil du temps, a imaginé différentes façons de penser la mort, a créé des images pour la représenter, des mythes pour en parler et des rites pour la faire figurer dans la vie.

Chacun des auteurs de ce livre, à un moment ou à un autre, souligne que face au traumatisme que représente la mort la culture propose certains cadres permettant d'éviter la sidération et de maintenir le lien indispensable à la poursuite de la vie psychique et intersubjective. Par ailleurs, le destin organisateur du traumatique, mis en lumière par Freud en 1939 dans Lhomme Moïse, se trouve illustré ici de façon magistrale par le travail qu'accomplissent la plupart des cliniciens auprès de leurs patients, permettant par à-coups successifs «répétition, remémoration, élaboration» et ne ménageant pas leurs efforts pour rendre réelle l'expérience oubliée, pour la faire revivre dans l'aventure transférentielle.

Les Anglais utilisent trois mots pour parler du deuil : bereavement qui se rapporte à l'événement, à la séparation, à la dépossession, grief au ressenti, à la douleur, à la peine et mourning qui se rapporte davantage à la durée et au processus de deuil. De son côté, le français dispose d'un seul mot, de sorte que les modulations apportées dans chacune des expressions anglaises doivent être dans la langue française surajoutées au mot lui-même pour donner les caractéristiques de l'affect en lien avec le deuil. Il reste néanmoins que le français rapporte toujours davantage le deuil à l'objet perdu qu'à la manière dont il a été perdu. Ainsi, on parle du deuil d'un être cher ou bien d'une relation de couple, deuil de son intégrité corporelle et/ou de sa jeunesse, de la normalité d'un enfant handicapé, d'une promotion attendue ou de projets impossibles à réaliser...
 

Présentation de l'éditeur

Tout deuil sollicite le sujet et ses liens aux autres, et lui rappelle douloureusement son ontologique dépendance. La perte d'un être cher est transformée par la pensée afin que l'espace qu'a occupé l'absent soit modifié. Faute de pouvoir remplacer l'autre, on le recrée.

La création, le travail de pensée que suscite la confrontation à la mort sont évoqués dans ce livre comme ce qui permet au sujet de ne pas vivre «comme avant», comme si la perte n'avait pas eu lieu, mais de devenir «comme après» : reconstruire plutôt que reconstituer.

Les auteurs proposent à la réflexion des dispositifs d'aide qui peuvent être mis en place lors de la perte réelle d'un être cher mais également lorsque les deuils non faits, non terminés resurgissent sur une autre scène, dans une temporalité décalée.
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Mis à jour le 12 octobre 2016