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Liens fraternels et handicap - De l'enfance à l'âge adulte, souffrances et ressources

Régine Scelles

Publié le 12 octobre 2016 Mis à jour le 12 octobre 2016

Edition érès - Collection La vie de l'enfance

Je travaille depuis quinze ans dans des services de soins et d'éducation à domicile, où j'ai été amenée à côtoyer des enfants atteints de handicaps fort divers avec des conséquences, sur le plan comportemental, intellectuel et moteur, variables.
À l'occasion des visites à domicile, les frères et soeurs montraient leur besoin de parler et parfois des signes évidents de souffrance. Ils s'arrangeaient pour me solliciter ou pour détourner l'attention de leurs parents de l'enfant handicapé. Ils posaient des questions ou profitaient de ma présence pour en poser à leurs parents. Très actifs, certains faisaient «travailler» l'enfant handicapé ; il arrivait alors qu'ils soient vécus comme voulant se substituer aux professionnels et soient considérés par ces derniers comme des rivaux. Lorsque l'enfant handicapé progressait trop lentement malgré les stimulations intensives, «l'enfant maître» pouvait se sentir «mauvais rééducateur» autant que «mauvais frère», et l'enfant handicapé était malheureux de ne pas être capable de gratifier celui qui l'aidait. Certains enfants assumaient de grandes responsabilités à l'égard de leur pair handicapé, cette prise en charge entravant parfois leur accession à une vie autonome et indépendante. D'autres se sentaient désinvestis par leurs parents, trop préoccupés par leur enfant malade. Ils se montraient inhibés ou sollicitaient l'attention parentale en ayant, par exemple, des comportements délictueux, ou en refusant de travailler à l'école.
Si les parents étaient souvent conscients de ce que vivaient leurs enfants, ils avaient toutefois des réticences à en parler, en partie parce qu'ils craignaient le regard aiguisé, voire accusateur, des professionnels. Par ailleurs, culpabilisés, ils ne voyaient pas comment s'occuper de tous leurs enfants comme ils l'auraient souhaité. En effet, dans la réalité, l'enfant handicapé demande beaucoup d'attention, nécessite de nombreux déplacements pour des consultations et diverses hospitalisations. Les parents savent que les enfants restés à la maison se sentent malheureux ; le leur rappeler sans leur proposer une aide adaptée ne fait qu'aggraver leur malaise et, par résonance, celui de leurs enfants.
C'est donc en me souciant des difficultés qu'avaient les parents à prendre soin de l'ensemble de la fratrie, que j'ai réfléchi aux façons de les soutenir dans leurs compétences à s'occuper de tous leurs enfants et pas seulement de celui qui était handicapé.
Ce que vit l'enfant handicapé au sein de sa fratrie, ce que vivent ses frères et soeurs avec lui, après avoir été longtemps ignoré, commence à retenir l'attention des parents et des professionnels.
Ce livre, consacré à la fratrie de la personne handicapée de l'enfance à l'âge adulte reprend des éléments déjà évoqués dans l'ouvrage paru sur le même thème en 1997, et il en développe d'autres. En effet, depuis cette parution, ma pratique clinique a évolué, et les dispositifs de soins en direction des frères et soeurs se sont diversifiés. Par ailleurs, les connaissances théoriques sur la fratrie ont aussi amené d'autres manières de penser le lien fraternel et les prises en charge des frères et soeurs.
Depuis 1997, j'ai eu l'occasion de rencontrer de nombreux frères et soeurs dans le cadre de ma pratique de psychologue en service de soin à domicile et, également, au cours de nombreuses conférences que j'ai faites sur ce thème. Une rencontre avec Jean-Marc Bardeau marque le début de mon intérêt pour le fraternel envisagé du point de vue de la personne handicapée, que j'avais occulté jusque-là. Lors d'une conférence que nous avons faite ensemble, il évoqua sa culpabilité d'avoir volé son enfance à sa soeur et son douloureux isolement au sein de sa fratrie.
 

Présentation de l'éditeur

Qu'un enfant de la famille soit atteint d'un handicap a des conséquences variables sur le père, la mère, les enfants, le couple et la fratrie. Tout au long de sa vie, chacun des enfants, seul et en groupe, travaille psychiquement cette réalité. Chaque membre de la famille suit un cheminement singulier avec ses temporalités et ses modalités propres qu'aucune norme ne peut définir à l'avance. Les frères et soeurs d'un enfant handicapé ne développent pas de psychopathologies plus lourdes que la population tout-venant ; toutefois, prendre soin du lien fraternel a des effets positifs sur toute la famille.

Cet ouvrage aidera familles, institutions et professionnels à mieux saisir ce qui se passe dans la fratrie afin que chacun des enfants, y compris celui qui est handicapé, puisse bénéficier des fonctions positives de ce lien et que le handicap n'entrave pas le déploiement de la richesse qui s'y joue et évolue avec le temps.
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Mis à jour le 12 octobre 2016